Les vérités
d’Amadé Ourémi
Le mythique Amadé Ourémi |
Je vous
remercie pour l'opportunité que vous me donnez de m'expliquer. Je suis arrivé
ici en 1986 à l'âge de 22 ans. J'étais tellement petit que j'avais du mal à
avoir un contrat et c'était dur pour moi. Mon grand frère a utilisé des
subterfuges pour me trouver du travail. Les autochtones s'arrêtaient pour me
regarder quand je travaillais au champ. Quelques années plus tard, j'ai acheté
des hectares de forêts avec mon patron pour faire mon propre champ.
Mais comment vous êtes-vous trouvé
dans la réserve du mont Peko, pourtant interdite?
Amade
Oueremi:
D'abord, je
voudrais vous dire que je ne suis pas le premier à rentrer dans la réserve du
mont Peko. C'est grâce aux autochtones que moi j'ai eu accès à la réserve.
Sinon comment des étrangers peuvent avoir accès à une zone si des gens ne les
aident pas ? Sachez que d'autres planteurs autochtones y ont des champs. Les
gens sont contre la réussite de l'étranger c'est cela le problème.
On nous dit que vous êtes rentré par
la force, avec des armes.
Amade Oueremi: Ce n'est pas vrai. Je
suis arrivé ici devant tout le monde, sans arme, avec une machette pour
chercher un bien être.
Pourtant vous avez déposé des armes
au lendemain de la crise postélectorale. D'où venaient-elles ?
Amade
Oueremi:
Nous vivions
en parfaite symbiose avec les tuteurs ainsi que les autres communautés. Quand
la guerre a éclaté en 2002, des autochtones ont vite assimilé les allogènes et
allochtones aux rebelles. Notre zone s'est trouvée dans la zone de confiance.
Des groupes de miliciens se sont formés à Duékoué et ont commencé à commettre
des exactions sur des ressortissants étrangers. Certains ont même décidé de
nous exproprier de nos plantations par des attaques récurrentes. Et comme la
zone était interdite aux forces en présence, elle est devenue une zone de non
droit où miliciens et mercenaires faisaient la pluie et le beau temps. Certains
de nos tuteurs les utilisaient pour reprendre des terres qu'ils avaient
pourtant vendues.Nous ne pouvions pas rester les bras croisés et avons décidé
de sécuriser les routes contre ces hommes devenus coupeurs de routes et les
champs contre les voleurs. C'est là que des planteurs m'ont choisi pour être à
la tête. Nous avons pris des armes donc pour protéger nos biens et nos vie.
C'était une question de vie ou de mort.
Qui vous a donné des armes?
Amade
Oueremi:
Nous avons
eu nos armes avec les miliciens et des mercenaires libériens qui venaient nous
attaquer car nous connaissons mieux la zone qu'eux.
Mais vous portiez des treillis
flambants neufs. Cela venait aussi des miliciens?
Amade
Oueremi:
À un moment
donné, face aux attaques des miliciens et des mercenaires libériens, nous avons
fait un choix. Nous nous sommes alliés à ceux qui pouvaient nous protéger. Il
faut dire que certains de nos camarades portaient des habits Dozo et d'autres
se sont confectionnés des tenus militaire à l'image des agresseurs miliciens.
C'est-à-dire ?
Amade
Oueremi:
Comprenez ce
que je dis. (Il ne dit plus rien)
On parle de plus en plus de votre
départ du mont Peko. Peut-on connaître la date de ce départ?
Amade
Oueremi:
Moi je n'ai
pas de problème. Si je pars, je ne vais pas voler pour manger. J'ai des champs
en dehors de la réserve du mont Peko. Nous avons juste demandé des mesures
conservatoires avant de quitter. Mais il faut que les gens sachent que je ne
suis pas le seul à occuper la forêt comme les gens le font croire. Je ne suis
pas un hors la loi. Moi, je veux la paix. Des gens qui ne me connaissent pas
racontent que je suis un sanguinaire mais ce n’est pas vrai. Moi je suis un
enfant de pauvre et je ne peux être au-dessus de la loi.
Il se dit aussi que vous avez
encore des armes. Qu'en est-il exactement?
Amade
Oueremi:
Nous sommes
des planteurs. Après la fin de la crise postélectorale, nous avons été les
premiers à remettre nos armes à l'Onuci, sans condition, pour reprendre nos
travaux champêtres car ceux qui nous menaçaient avaient été vaincus. Il y a une
mission des Eaux et Forêts qui s'est rendue dans la forêt. Demandez-leur s'ils
ont vu des armes ou quelqu'un en tenue militaire. J'ai même brûlé toutes les
tenues militaires des hommes que je dirige devant des autorités en octobre 2011
à Bagohouo pour montrer ma bonne foi. La guerre est terminée. Je n'ai pas honte
du choix que j'ai fait à l'époque.
On vous accuse d'avoir massacré des
populations du quartier Carrefour, à Duékoué. Les populations disent aussi
qu'elles ont peur de vous...
Amade
Oueremi:
Ce n'est pas
possible, puisque moi je n'étais pas sur le théâtre des opérations le jour de
l'attaque de Duékoué donc ça ne peut pas être de mon fait. Moi, j'étais
ailleurs entrain de protéger ma famille et les planteurs qui m'ont fait confiance.
Même le chef de Nidrou et Bagohouo je les ai protégé, ils sont en vie et
peuvent témoigner. Des gens essaient de me salir au lieu de parler du bien que
j'ai fait pour la population de la sous-préfecture de Bagohouo. Quand j'ai
appris que des ressortissants de Bagohouo, Nidrou, Ponan et bien d'autres
villages étaient déplacés à la mission catholique de Duékoué des jours après la
chute de la ville, j'ai loué des véhicules pour aller les chercher et les
ramener dans leurs villages. Grâce à nos actions, ces villages n'ont pas connu
les destructions que d'autres villages ont connus. Des gens veulent nous salir
sinon il y a des planteurs dans des zones interdites mais on en parle pas. Tout
le monde savait qu'il y avait des mercenaires libériens et des miliciens à
Carrefour, mais personne n'avait peur d'eux. Pourquoi des gens qui n'avaient
pas peur des Libériens hier peuvent dire qu'ils ont peur de moi qui vis avec
eux depuis 1986 ? Nous nous avions attiré l'attention de nos tuteurs sur la
méchanceté des mercenaires mais ils nous ont pas écouté. Nous ne pouvons pas
être ingrats envers ceux qui nous ont donné la terre.
Il se dit aussi que vous avez
300 éléments.
Amade
Oueremi:
Je n'ai pas
300 éléments. Je dis et je le répète : ceux qui sont avec moi sont des
planteurs qui se sont levés à un moment pour protéger leur vie. Lors du dépôt
d'armes, l'Onuci n'a pas enregistré ce chiffre que les gens avancent. Moi je
n'ai pas l'argent pour recruter 300 personnes. Même les agents de Ins qui sont
venus pour identifier les éléments n'ont pas trouvé ce chiffre.
Il se dit que vous avez agressé des
agents des eaux et forêts.
Amade
Oueremi:
Ce n'est pas
vrai, la zone de confiance était devenue une zone de méfiance ou chacun se méfiait
de son ami. Puisque les miliciens venaient commettre des crimes et partir
habillés en tenues militaires. On ne sait pas qui était qui sinon depuis la fin
de la crise nous avons laissé la place aux forces nationales qui nous sécurisent
et il n'y a pas de problèmes.
Votre dernier mot.
Amade
Oueremi:
Je demande à
tous de travailler pour la paix. Tout ce qui est écrit à mon encontre n'est pas
vrai. Si j'avais de l'argent comme les gens le font croire je serais rentré
chez moi au pays. Pour notre part nous avons pardonné malgré des nombreuses personnes
tuées par des miliciens et mercenaires dans des campements. Certains sont
handicapés à vie mais personnes n'en parlent. La seule chose à laquelle
j'aspire c'est la cohabitation pacifique avec nos tuteurs comme avant. J'ai une
seule parole, la guerre est finie pour nous. Je vous remercie une fois de plus.
Interview
réalisée à Bagohouo par Saint-Tra bi
Correspondant
Régional.
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