dimanche 4 novembre 2012

Situation à l'ouest




 Les vérités d’Amadé Ourémi
                                                                                        

Le mythique Amadé Ourémi

Je vous remercie pour l'opportunité que vous me donnez de m'expliquer. Je suis arrivé ici en 1986 à l'âge de 22 ans. J'étais tellement petit que j'avais du mal à avoir un contrat et c'était dur pour moi. Mon grand frère a utilisé des subterfuges pour me trouver du travail. Les autochtones s'arrêtaient pour me regarder quand je travaillais au champ. Quelques années plus tard, j'ai acheté des hectares de forêts avec mon patron pour faire mon propre champ. 

Mais comment vous êtes-vous trouvé dans la réserve du mont Peko, pourtant interdite?

 Amade Oueremi
D'abord, je voudrais vous dire que je ne suis pas le premier à rentrer dans la réserve du mont Peko. C'est grâce aux autochtones que moi j'ai eu accès à la réserve. Sinon comment des étrangers peuvent avoir accès à une zone si des gens ne les aident pas ? Sachez que d'autres planteurs autochtones y ont des champs. Les gens sont contre la réussite de l'étranger c'est cela le problème.

On nous dit que vous êtes rentré par la force, avec des armes.

 Amade Oueremi: Ce n'est pas vrai. Je suis arrivé ici devant tout le monde, sans arme, avec une machette pour chercher un bien être. 

Pourtant vous avez déposé des armes au lendemain de la crise postélectorale. D'où venaient-elles ? 

Amade Oueremi
Nous vivions en parfaite symbiose avec les tuteurs ainsi que les autres communautés. Quand la guerre a éclaté en 2002, des autochtones ont vite assimilé les allogènes et allochtones aux rebelles. Notre zone s'est trouvée dans la zone de confiance. Des groupes de miliciens se sont formés à Duékoué et ont commencé à commettre des exactions sur des ressortissants étrangers. Certains ont même décidé de nous exproprier de nos plantations par des attaques récurrentes. Et comme la zone était interdite aux forces en présence, elle est devenue une zone de non droit où miliciens et mercenaires faisaient la pluie et le beau temps. Certains de nos tuteurs les utilisaient pour reprendre des terres qu'ils avaient pourtant vendues.Nous ne pouvions pas rester les bras croisés et avons décidé de sécuriser les routes contre ces hommes devenus coupeurs de routes et les champs contre les voleurs. C'est là que des planteurs m'ont choisi pour être à la tête. Nous avons pris des armes donc pour protéger nos biens et nos vie. C'était une question de vie ou de mort.

Qui vous a donné des armes? 

Amade Oueremi
Nous avons eu nos armes avec les miliciens et des mercenaires libériens qui venaient nous attaquer car nous connaissons mieux la zone qu'eux. 

Mais vous portiez des treillis flambants neufs. Cela venait aussi des miliciens? 
Amade Oueremi
À un moment donné, face aux attaques des miliciens et des mercenaires libériens, nous avons fait un choix. Nous nous sommes alliés à ceux qui pouvaient nous protéger. Il faut dire que certains de nos camarades portaient des habits Dozo et d'autres se sont confectionnés des tenus militaire à l'image des agresseurs miliciens.

C'est-à-dire ?
 Amade Oueremi
Comprenez ce que je dis. (Il ne dit plus rien)


On parle de plus en plus de votre départ du mont Peko. Peut-on connaître la date de ce départ? 

Amade Oueremi
Moi je n'ai pas de problème. Si je pars, je ne vais pas voler pour manger. J'ai des champs en dehors de la réserve du mont Peko. Nous avons juste demandé des mesures conservatoires avant de quitter. Mais il faut que les gens sachent que je ne suis pas le seul à occuper la forêt comme les gens le font croire. Je ne suis pas un hors la loi. Moi, je veux la paix. Des gens qui ne me connaissent pas racontent que je suis un sanguinaire mais ce n’est pas vrai. Moi je suis un enfant de pauvre et je ne peux être au-dessus de la loi.

 Il se dit aussi que vous avez encore des armes. Qu'en est-il exactement? 

Amade Oueremi: 
Nous sommes des planteurs. Après la fin de la crise postélectorale, nous avons été les premiers à remettre nos armes à l'Onuci, sans condition, pour reprendre nos travaux champêtres car ceux qui nous menaçaient avaient été vaincus. Il y a une mission des Eaux et Forêts qui s'est rendue dans la forêt. Demandez-leur s'ils ont vu des armes ou quelqu'un en tenue militaire. J'ai même brûlé toutes les tenues militaires des hommes que je dirige devant des autorités en octobre 2011 à Bagohouo pour montrer ma bonne foi. La guerre est terminée. Je n'ai pas honte du choix que j'ai fait à l'époque.

 On vous accuse d'avoir massacré des populations du quartier Carrefour, à Duékoué. Les populations disent aussi qu'elles ont peur de vous... 

Amade Oueremi: 
Ce n'est pas possible, puisque moi je n'étais pas sur le théâtre des opérations le jour de l'attaque de Duékoué donc ça ne peut pas être de mon fait. Moi, j'étais ailleurs entrain de protéger ma famille et les planteurs qui m'ont fait confiance. Même le chef de Nidrou et Bagohouo je les ai protégé, ils sont en vie et peuvent témoigner. Des gens essaient de me salir au lieu de parler du bien que j'ai fait pour la population de la sous-préfecture de Bagohouo. Quand j'ai appris que des ressortissants de Bagohouo, Nidrou, Ponan et bien d'autres villages étaient déplacés à la mission catholique de Duékoué des jours après la chute de la ville, j'ai loué des véhicules pour aller les chercher et les ramener dans leurs villages. Grâce à nos actions, ces villages n'ont pas connu les destructions que d'autres villages ont connus. Des gens veulent nous salir sinon il y a des planteurs dans des zones interdites mais on en parle pas. Tout le monde savait qu'il y avait des mercenaires libériens et des miliciens à Carrefour, mais personne n'avait peur d'eux. Pourquoi des gens qui n'avaient pas peur des Libériens hier peuvent dire qu'ils ont peur de moi qui vis avec eux depuis 1986 ? Nous nous avions attiré l'attention de nos tuteurs sur la méchanceté des mercenaires mais ils nous ont pas écouté. Nous ne pouvons pas être ingrats envers ceux qui nous ont donné la terre.

 Il se dit aussi que vous avez 300 éléments. 

Amade Oueremi: 
Je n'ai pas 300 éléments. Je dis et je le répète : ceux qui sont avec moi sont des planteurs qui se sont levés à un moment pour protéger leur vie. Lors du dépôt d'armes, l'Onuci n'a pas enregistré ce chiffre que les gens avancent. Moi je n'ai pas l'argent pour recruter 300 personnes. Même les agents de Ins qui sont venus pour identifier les éléments n'ont pas trouvé ce chiffre. 

Il se dit que vous avez agressé des agents des eaux et forêts.

Amade Oueremi:
Ce n'est pas vrai, la zone de confiance était devenue une zone de méfiance ou chacun se méfiait de son ami. Puisque les miliciens venaient commettre des crimes et partir habillés en tenues militaires. On ne sait pas qui était qui sinon depuis la fin de la crise nous avons laissé la place aux forces nationales qui nous sécurisent et il n'y a pas de problèmes.

Votre dernier mot.

Amade Oueremi:
Je demande à tous de travailler pour la paix. Tout ce qui est écrit à mon encontre n'est pas vrai. Si j'avais de l'argent comme les gens le font croire je serais rentré chez moi au pays. Pour notre part nous avons pardonné malgré des nombreuses personnes tuées par des miliciens et mercenaires dans des campements. Certains sont handicapés à vie mais personnes n'en parlent. La seule chose à laquelle j'aspire c'est la cohabitation pacifique avec nos tuteurs comme avant. J'ai une seule parole, la guerre est finie pour nous. Je vous remercie une fois de plus.

Interview réalisée à Bagohouo par Saint-Tra bi
Correspondant Régional.

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